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Oiseau mystérieux, inféodé aux fraiches forêts, la Bécasse des bois (Scolopax rusticola) reste le plus terrestre des limicoles
Dessin : Jonathan POINTER – Bécasse des bois (Scolopax rusticola) - Jonathan Pointer - Artiste sportif et d’histoire naturelle
La Bécasse des bois (Scolopax rusticola) est une des 12 espèces de limicoles qui peuvent se reproduire en ancienne Aquitaine. Sur ce territoire, les limicoles s’y divisent en 5 familles (les Charadriidés, les Scolopacidés, les Burhinidés, les Récurvirostridés, les Haematopidés) et occupent des habitats finalement assez divers : de la forêt profonde au rivage marin, en passant par les landes, les cultures, les marais, les rivières et les fleuves. Tant qu’il y a des sédiments riches en divers organismes tel que les Annélides, les Crustacés, les Mollusques bivalves, les Insectes... ce groupe aviaire peut coloniser bien des territoires avec diverses espèces.
Voir les publications sur d’autres limicoles sur ce même blog :
Le Pluvier des graviers (sur le Petit Gravelot) du 27 juin 2024
Deux yeux jaunes dans un champ de cailloux (sur l’Oedicnème criard) du 08 novembre 2021
Le « p’tit limi » des Gaves (sur le Chevalier guignette) du 04 avril 2021
La Bécasse des bois est une forestière. Elle aime les litières humides de feuilles en décomposition… une spécialiste du substrat humifère qui sent bon le mycélium et les tanins ! Elle visite également la sous-strate herbacée des prairies naturelles qui fournit de la matière organique au sol et donc présente là aussi le cortège de la faune diversifiée des décomposeurs… Elle a tendance à s’alimenter en nocturne dans les zones ouvertes (prairies) mais reste dans le couvert (sous-bois) en diurnes ou même lors de la reproduction. Elle est visible alors à la tombée de la nuit lorsqu’elle passe au ras des lisières pour changer d’habitat. Sa silhouette noire, au vol battu, énergique, rectiligne, surgit alors dans le bleu nuit du ciel où les premières étoiles scintillent. Les lombrics semblent être sa ressource alimentaire essentielle du moins en hiver. L’oiseau sonde la terre marron, de son long bec plus ou moins flexible, et surtout muni de papilles tactiles sensibles au toucher, au goût et à l’odorat. Un organe spécialisé pour trouver la petite faune hypogée. Sa vision à 360° est assez étonnante également, elle est binoculaire devant et derrière la tête.
L’activité de parades au printemps est également un moment pour l’observer, en acoustique souvent, car son chant, lors de vols nuptiaux si caractéristique (la croule), est émis au crépuscule et la nuit.
Acoustique : Jarek MATUSIAK – Gmina Płaska, Augustów, POLOGNE – 11 mai 2022 – Scolopax rusticola, chant - Source : xeno-canto.orgEurasian Woodcock (Scolopax rusticola)En Aquitaine, elle se reproduit actuellement dans les hêtraies-sapinière des Pyrénées. En plaine, bien que jamais commune, la situation a changé en 40 ans. Dans le Lot-et-Garonne elle était signalée nicheuse certaine dans l’atlas des Oiseaux Nicheurs d’Aquitaine sur 3 à 4 mailles (20x29 km) sur la période 1974-1984. A cette période, le plateau landais semblait être encore assez favorable à sa présence notamment les zones en ripisylve des vallées de la Leyre et du Ciron où elle était régulière en reproduction. Puis, dans l’atlas des Oiseaux Nicheurs d’Aquitaine de 2015, les données printanières sont éparses (un seul contact en Lot-et-Garonne en 2013) et jamais pour de la nidification certaine. Sur la période 2013 à 2024 seuls 6 cas de reproduction certaine répartis sur les 5 département (64, 40, 47, 33, 24) que formaient l’ex-Aquitaine sont répertoriés sur le portail faune-nouvelle-aquitaine.org. L’espèce ne trouve plus les conditions optimums de nidification (modifications bioclimatiques, quiétude…) pour une population dont la répartition est plus éparse et moins dynamique. La Bécasse des bois, de pars ses affinités boréo-montagnarde fait sans doute partie du cortège des espèces qui se réfugie actuellement sur des zones plus élevées en altitude, tel le Bouvreuil pivoine (Pyrrhula pyrrhula), ce qui sous-entend une baisse démographiques globale.
Comme beaucoup de limicoles, la Bécasse des bois est migratrice. Les populations du nord de l’Eurasie (elle occupe largement la Russie et la Scandinavie) viennent hiverner plus au sud-ouest, principalement dans les zones atlantique et méditerranéenne aux climats doux.
Restons ornithologue ! Il est intéressant de voir cette espèce sous un regard différent de celui, trop habituel, du monde de la chasse. Comme si le mot « gibier » lui collait aux plumes. Il faut savoir cependant que, suite à la baisse radicale des populations de petits gibiers autrefois communs (Lapin de garenne, Perdrix grise et rouge, Caille des blés, Grives…) la Bécasse des bois subit une pression cynégétique énorme ! Elle est hélas très à la mode chez les nostalgiques d’une époque révolue, celle où moins de détenteurs du permis de chasse pouvaient prélever des petites espèces sauvages sans trop de poser de question. Le prélèvement maximal autorisé (PMA) est limité à 30 bécasses par an et par chasseur en Bretagne. Aujourd’hui, les chasseurs de Bécasse montrent une certaine fierté affichée, et il est de bon ton de dire qu’on « va à la Bécasse » en caressant la tête de son Setter anglais… Contrairement aux autres espèces chassées, largement élevées, hybridées et relâchées pour entretenir artificiellement des populations vite tirable, il n’y a pas (encore) d’élevage de Bécasse, du moins pas à grande échelle. Il y a encore quelque chose d’intègre et d’originel sans doute dans la relation de prédation avec ce gibier sauvage. Cependant, il faut savoir que cette mode entraine la destruction d’environ 750 000 à 1 200 000 individus annuellement en France (source : becassierdefrance.com). La tendance serait à la baisse depuis quelques années. Mais est-ce bien raisonnable ? Je le répète : plus ou moins 1 000 000 Bécasses des bois sont tirées chaque hiver en France actuellement ! Si la longévité physiologique connue de l’oiseau est de au moins 14 ans, l’espérance de vie est de 1,25 ans ! Le taux de survie annuel des populations de Russie est de 52%, c’est-à-dire que la chance de survivre dans l’année pour une Bécasse est de à peu près 1 sur 2. L’espèce subit également, actuellement, les dégradations de son habitat (sécheresses chroniques - voir la publication du 05 novembre 2022 sur ce même blog "Il fait trop chaud pour une chênaie", exploitation sylvicole non-raisonnée, morcellement des massifs, dérangements réguliers…) en plus des tirs des « bécassiers » de compétition : quel luxe pour eux de « posséder » tous ces oiseaux ! Cela me fait penser à la surpêche en haute-mer sur les poissons sauvages… jusqu’à quand ? Tant qu’il y en aura ?
Allez la guetter, allez observer son vol vespéral dans la quiétude des froides soirées hivernales au coin du bois… c’est un étrange oiseau, qui résiste tant bien que mal à l’air du temps… et régalez-vous… de cette furtive rencontre !
Photographie : Nicolas PINCZON – Sous-bois forestier, berges de l’Ourbise, site d’hivernage de la Bécasse des bois (Scolopax rusticola) – Décembre 2019, 47-VILLEFRANCHE DE QUEYRAN
Dessin : Jonathan POINTER – Bécasse des bois (Scolopax rusticola) - Jonathan Pointer - Artiste sportif et d’histoire naturelle
Bibliographie :
BOUTET J.Y, PETIT P. – ATLAS DES OISEAUX NICHEURS D’AQUITAINE 1974-1984 - Œuvre collective des ornithologues d’Aquitains – Centre Ornithologique Aquitaine Pyrénées, 1987
GÉROUDET P., éditions mise à jour par OLIOSO G.- LIMICOLES, GANGAS, PIGEONS D’EUROPE – éd Delachaux et Niestlé, 2008
GEJL Lars. – Guide d’identification des limicoles d‘Europe – éd Delachaux et Niestlé, 2016
ISSA N., MULLER Y. – Atlas des oiseaux de France métropolitaine, nidification et présence hivernale – Volumes 1 & 2 - éd Delachaux et Niestlé, 2015
DON TAYLOR – Guide des limicoles d’Europe, d’Asie et d’Amérique du Nord – éd Delachaux et Niestlé, 2006
THEILLOUT A. & Collectif faune-aquitaine.org – Atlas des oiseaux nicheurs d’Aquitaine – LPO Aquitaine, Delachaux & Niestlé, 2015
THEILLOUT A., BESNARD A., DELFOUR F., & BARANDE S. - Atlas des oiseaux migrateurs et hivernants d’Aquitaine. Dordogne, Gironde, Landes, Lot-et-Garonne, Pyrénées-Atlantiques. MNHN - LPO, 2020
www.faune-nouvelle-aquitaine.orgJe m’accorde avec mon paysage, je suis en lien avec mon environnement … donc je suis !
Photographie : N.PINCZON - Le fleuve Garonne à 47-Boé-Moirax – Septembre 2022 « J’attends la Sterne pierregarin – Sterna hirundo »
Lorsque j’arpente les espaces où je vis, il y a deux sensations essentielles qui viennent m’envahir doucement :
D’abord c’est le fait de faire partie de ces lieux… d’en être un habitant connu et reconnu… un personnage… de participer à tous les mouvements qui l’animent… d’y exister. Tous mes sens s’exercent à identifier les subtilités et les évolutions de l’endroit. Comme tous les autres qui vivent là, j’échange constamment et je laisse des traces. Il y a surtout une douce familiarité réconfortante. Je rencontre la faune et la flore, je rencontre des habitants humains. Au présent, j’anticipe les choses, je salue, on me salue en réponse et je découvre des nouvelles petites histoires. Je décrypte parfois dans les lieux paisibles les reliques du passé. Je suis dans mon espace-temps, l’intime se mêle au lieu… Je suis en paix. J’aime ces lieux parfois un peu par la force des choses… mais je les vois souffrir souvent. Trop souvent.
Serge VALLON écrit dans son livre L’ESPACE ET LA PHOBIE (c.f biblio) que le paysage familier (en allemand le mot est « heimelich ») nous appartient autant que nous lui appartenons. Il précise que le sujet est accordé à son monde, tout comme son monde est accordé à lui et rajoute « Cet accord se signifie en lui (le sujet) sans qu’il en soit pleinement conscient, comme la source de ce plaisir apaisant et apaisé qu’il trouve précieux dans sa vérité évidente ». Il semble que chacun d’entre nous vérifie constamment la stabilité de tels lieux. Est-ce que tout est agencé comme d’habitude ? Est-ce que tout fonctionne ? Est-ce que tout le monde est là ? L’harmonie continue-t-elle ? Nous avons besoin de ce paysage familier. Les échanges entre notre monde intérieur et ce monde extérieur sont constants. Nous sommes le paysage que nous créons. Mais l’angoisse rôde. Elle peut venir rompre cette évidence, ce familier. « Elle va venir battre en brèche l’unité logique de cet univers ». En ce qui me concerne c’est la coupe rase d’une parcelle boisée, le labour d’une prairie, un vaste espace naturel rempli de panneaux photovoltaïques à touche-touche, le drainage d’une zone humide, une nouvelle route… le monde deviendrait-il « immonde » ? Selon Serge VALLON toujours « Il s’agit simplement de l’infamilier (selon la traduction « unheimelich » freudien…/…). Cet infamilier rassemble l’étrange et le familier : l’étrange familiarité d’un univers à la fois connu, agréable, logique mais qui inclut soudain une dimension ruineuse pour cette logique, pour le plaisir, pour cet ordre. Tel est le paysage phobique » (Vallon, 1996). Nos paysages, radicalement transformés, subissent continuellement l’injonction de la rentabilité, de la technicité performante, de l’ordre absolu, de la maitrise constante, du parfait. Voilà d’étranges douleurs dans nos âmes, elles-mêmes rectifiées. La gracieuse liberté du sauvage n’est plus…
Je conseille d’écouter le podcast sur France-Culture de l’émission « Question du soir : l’idée - Le remembrement une division des terres et des êtres » de Quentin LAFAY du 18 novembre 2024 Le remembrement, une division des terres et des êtres à propos de la bande-dessinée « Champs de bataille, l’histoire enfouie du remembrement » de Inèse LÉRAUD et Pierre VAN HOVE chez BELCOURT CHAMPS DE BATAILLE - ONE SHOT - CHAMPS DE BATAILLE - L’HISTOIRE ENFOUIE DU REMEMBREMENT - Librairie Utopia
J’ai parlé d’un endroit. Il y a aussi un envers...
Car ensuite, paradoxalement, un endroit familier doit aussi me laisser une sensation d’inconnu. Une zone cachée, une profondeur inaccessible où des êtres mystérieux pourraient exister… quelque-chose d’extrêmement présent mais qui se déroule sans moi… quelque chose de libre, d’incontrôlable… dont je n’aurais que quelques indices de présence. Cela doit être tangible. Un habitant étrange se cache par-ci, une vie résiste par-là, un être invente le temps et m’observe de loin… Je suis seul mais ressens ces présences intenses, ces regards méfiants… et j’attends l’invisible… mon imagination est vivante ! Une vaste forêt, la surface de l’eau, les dômes enneigés, les cieux… Quel est l’extraordinaire qui vit là ?
Tout me pousse à mieux connaître le peuple discret de la faune sauvage. Non pas pour le déranger mais pour le respecter. Il me laisse des fortes sensations d’existence dès qu’il me fait signe et je souhaite comprendre quelques éléments de son espace, de ses coutumes, de son histoire… Mais parfois, malgré bien des techniques efficaces pour prospecter avec patience ces habitats mystérieux (affût au bon endroit, à la bonne heure, les yeux rivés dans les jumelles, pièges acoustique, pièges photo, indices de présence…) … je dois me rendre à l’évidence qu’il y a des absents. Le dernier des Mohicans n’est plus. Alors le vide est réel. Une tristesse lancinante m’envahit. Il n’y a plus le sel, il n’y a plus le magique, il n’y a plus la joie…
Là encore, paysage en souffrance, espèces discrètes disparues, deuil… la solastalgie est ce qu’elle est.
Un naturaliste existe à la fois dans la rigueur scientifique, l’observation clinique des écosystèmes, mais également dans l’immense poésie que libèrent ces vastes espaces. Une énergie pleine d’espérance. Il y a de l’enfance ou de l’adolescence (l’âge des possibles) encore en lui… quand l’inconnu et l’invisible fascinent.
Je rejoins aussi les pensées de Sylvain TESSON qui écrit dans son livre L’ÉNERGIE VAGABONDE (c.f biblio) :
« Savoir l’existence d’espaces vierges et d’espèces sauvages n’est-il pas aussi vital que le pain ? Se dire secrètement qu’il existe des replis épargnés par les regards humains n’élève-t-il pas le cœur ? Imaginer la subsistance d’un carré inaccessible ne fortifie-t-il pas l’être ? Cette certitude de la présence d’un ailleurs sauvage est comme le carreau de lumière dans la cellule du forçat. Voilà la valeur profonde de la sanctuarisation des espaces, de la mise sous cloche des étendues, de la défense du wilderness : la possibilité d’un rêve. Ainsi va-t-il des amoureux séparés qui, malgré l’éloignement, se sentent apaisés parce qu’ils se savent aimés. Dans Les Racines du ciel, Romain Gary campe un prisonnier qui survit psychiquement à la déportation en rêvant à la charge des éléphants dans une savane. Le recours par la pensée à la puissance des pachydermes insuffle la force à l’esprit. Aldo Léopolde commence son Almanach d’un conté des sables par cette phrase : « Pour nous, minorité, la possibilité de voir des oies est plus importante que la télévision. » Plus loin il plaint cette « dame fort cultivée » disant qu’elle « n’avait jamais entendu les oies qui deux fois par ans, proclament le retour des saisons à sa toiture bien isolée ». Et Darwin, dans sa Théorie de l’évolution, lance que « nul individu à l’esprit impartial ne peut étudier une quelconque créature vivante, si humble soit-elle, sans être enthousiasmé par sa structure et ses caractéristiques admirables ». Trois voix pour signifier la même chose. L’enjeu de la préservation de la Nature ne se réduit pas à l’impératif d’assurer la survie de la race humaine. Il touche au désir profond de sauvegarder la possibilité d’une vie sauvage. » (Tesson, 2020)
Deux paysages en un ! Un familier, un mystérieux… Tous les habitants, tous les « paysans », les artisans du paysage devraient garder cette possibilité : laisser des friches, laisser des boisements, des landes, des mares, des lisières… ne pas aller chasser, couper, labourer, drainer, rectifier, nettoyer… laisser, laisser… laisser du sauvage, laisser du mystère, laisser faire, laisser vivre…
Voir l’article « Il n’est jamais trop tard pour cocher » du 03 février 2020 sur ce même blog
Voir l’article « Biodiversité : où en sommes-nous avec le grand Pan ? Sauver ou civiliser le sauvage ? » du 19 septembre 2018 sur ce même blog
Bibliographie :
FLEURY Cynthia, PRÉVOT Anne-Caroline – LE SOUCI DE LA NATURE – Apprendre, inventer, gouverner – CNRS Éditions
TESSON Sylvain – L’ÉNERGIE VAGABONDE - Au fil des jours - Géographie de l’instant - Wilderness. Éditions Robert Laffont, 2020 –p806
VALLON Serge – L’ESPACE ET LA PHOBIE – La peur de la peur – éditions Érès, 1996
Photographie : N.PINCZON – Forêt sous la crête de Grascouéou (1400m) à 65-AULON – Août 2019 « J’attends les Bec-croisé des sapins – Loxia curvirostra »
Photographie : N.PINCZON – Friche au lieu-dit Les Bousquétos à 47-SEMBAS – Janvier 2018 « J’attends le Busard Saint-Martin – Circus cyaneus »Le Petit Gravelot (Charadrius dubius), un spécialiste des bancs alluvionnaires…
Photographie : Nicolas PINCZON – Petit Gravelot (Charadrius dubius) sur la piste d’une gravière, mâle probable – 24 juin 2024, 47-LAYRAC
Le Petit Gravelot (Charadrius dubius) est une des 12 espèces de Limicoles qui peuvent se reproduire en ancienne Aquitaine. Les limicoles s’y divisent en 5 familles (les Charadriidés, les Scolopacidés, les Burhinidés, les Récurvirostridés, les Haematopidés) et occupent des habitats finalement assez divers : de la forêt profonde au rivage marin, en passant par les landes, les cultures, les marais, les rivières et les fleuves. Tant qu’il y a des sédiments riches en divers organismes tel que les Annélides, les Crustacés, les Mollusques bivalves, les Insectes... Avec le Chevalier guignette (Actitis hypoleucos), le Petit Gravelot (Charadrius dubius) occupe les lits de rivières avec des bancs de sables ou de galets où la végétation est maigre et éparse.
C’est un oiseau pionnier, dans ce sens où il a la capacité d’investir chaque année pour se reproduire les zones alluvionnaires fraichement brassées soit par le cours d’une rivière ou d’un fleuve soit par les engins d’extraction des granulats dans les sablières en exploitation. Il aime ces espaces presque désertiques, aux doux cailloux ronds modelés par l’onde, aux micro-plages de sable ou de limon et sur lesquels ne pousse qu’une végétation clairsemée tout autant pionnière. La présence de l’eau reste importante et il côtoie les rives, les flaques et autres ruisselets qui serpentent calmement dans un relief plutôt horizontal. Ces habitats ouverts, lumineux, sont animés par tout un cortège d’oiseaux, d’amphibiens, d’insectes et de plantes miniatures dans un parfum d’eau fraiche associé à ceux caractéristiques des Saules et des jeunes Peupliers. Le minéral est omniprésent. Les nuances de teinte des galets, qui vont du blanc scintillant au gris ardoise en passant par un roux clair comme du miel donne la sensation d’une délicate œuvre de peinture sur toile, si pure. Il y a quelque chose d’originel, une simplicité : le soleil, l’eau et le caillou. Les îles que forment parfois ces habitats isolent de certains prédateurs terrestres.
Photographie : Nicolas PINCZON – Banc naturel sur la Garonne, site de reproduction du Petit Gravelot (Charadrius dubius) – Avril 2024, 47-SAUVETERRE-SAINT-DENIS
Notre oiseau est repérable souvent à son cri, un son roulé un peu dur, qui semble émaner de quelques graviers qui sonneraient entre eux. Puis, fortement mimétique, son plumage étant dans une gamme de couleurs proche du substrat où il vit, on peut le voir, comme si un galet vivant soudainement se réveillait, courir à vive allure sur le sol entre les cailloux.
Acoustique : Mats OLSSON – Municipalité de Kristianstad, Skåne län, SUÈDE – 30 mai 2020 – Charadrius dubius, chant - Source : xeno-canto.orgLittle Ringed Plover (Charadrius dubius)L’espèce est migratrice et passe notre hiver en Afrique. De retour dès le mois de mars, chaque individu de la population d’un secteur (une vallée alluviale par exemple, même sur plusieurs centaines de kilomètres) doit retrouver un site suffisamment grand (au moins 1ha) qui correspond parfaitement aux exigences de l’espèce, malgré l’aspect très aléatoire de ce genre d’habitat (banc remanié par l’eau, se végétalisant, chantier d’extraction en cours…). Les mâles commencent à se manifester par leurs chants et leurs vols de parade sur les sites de reproduction enfin trouvés. Les parades au sol sont assez étonnantes, bruyantes, pleine de gestes stéréotypés (queue étalée, ailes déployées, pattes levées, mouvements saccadés) lorsque les oiseaux sont excités. Le nid est une simple excavation dans le sol, et les 4 œufs ressemblent fortement à quelques minuscules galets… L’espèce est bien spécialiste de cet environnement, elle semble s’y être adaptée à la perfection. Les poussins nidifuges sont tout autant invisibles. En 25 jours ils peuvent voler et son indépendants.
Photographie : Nicolas PINCZON – Sablière de la CMGO, site de reproduction artificiel du Petit Gravelot (Charadrius dubius) – Juin 2024, 47-LAYRAC
Photographie : Nicolas PINCZON – Petit Gravelot (Charadrius dubius) – 24 juin 2024, 47-LAYRAC
La régulation du débit des cours d’eau et la fermeture des habitats par la végétalisation reste une tendance actuelle qui limite les populations de l’espèce. Les dérangements sur les berges et les îles par les promeneurs (leurs chiens) et les pêcheurs semblent également très néfastes au succès reproducteur. Cela semble de plus en plus fréquent hélas. Dans les exploitations de granulats, c’est le passage des engins qui peut écraser les pontes ou les juvéniles non-volants. Certaines entreprises permettent à l’espèce de se maintenir en isolant momentanément des activités d’extraction par des protections, les zones de reproduction repérées chaque année sur le site. Un exemple à suivre…
Voir les publications sur d’autres Limicoles sur ce même blog :
Deux yeux jaunes dans un champ de cailloux (sur l’Oedicnème criard) du 08 novembre 2021
Le « p’tit limi » des Gaves (sur le Chevalier guignette) du 04 avril 2021
Bibliographie :
GÉROUDET P., éditions mise à jour par OLIOSO G.- LIMICOLES, GANGAS, PIGEONS D’EUROPE – éd Delachaux et Niestlé, 2008
ISSA N., MULLER Y. – Atlas des oiseaux de France métropolitaine, nidification et présence hivernale – Volumes 1 & 2 - éd Delachaux et Niestlé, 2015
DON TAYLOR – Guide des limicoles d’Europe, d’Asie et d’Amérique du Nord – éd Delachaux et Niestlé, 2006
THEILLOUT A. & Collectif faune-aquitaine.org – Atlas des oiseaux nicheurs d’Aquitaine – LPO Aquitaine, Delachaux & Niestlé, 2015Ornithologie : Le retour du Balbuzard pêcheur (Pandion haliaetus) en ex-Aquitaine
lundi 13 mai 2024, par Nicolas Pinczon Du Sel
Ce rapace, grâce au programme de réintroduction par translocation réalisé depuis 2017, est à nouveau reproducteur à l’état sauvage dans le département des Landes.
Photographie : N.PINCZON - Pandion haliaetus– 47-Saint-Léger-sur-Garonne – Août 2023 – Individu migrateur L’espèce se nourrit uniquement de poissons qu’elle capture en plongeant efficacement, parfois depuis plusieurs dizaines de mètres au-dessus de l’eau. Elle vit sur un ensemble d’habitats aquatiques : fleuves, étangs, lacs, estuaires, rivages marins… Les dernières données de reproduction de l’espèce dans les Landes dataient de 1894. Avec un projet d’aide à sa réinstallation porté par le Syndicat Mixte de Gestion des Milieux Naturels (basé à Morcenx-la-Nouvelle) dès 2017, et dans l’idée de créer un lien entre la population ibérique et celle du bassin de la Loire, l’espèce développe depuis 2 ans une petite population reproductrice tout à fait autonome, le long du littoral Landais. Un Plan National d’Action est en cours pour cette espèce. La Réserve Naturelle du marais d’Orx propose un lien sur une webcam « Orxprey Cam », fixée au-dessus d’une aire. Vous pouvez suivre le couple reproducteur en direct-live 24h/24h ! Les poussins sont nés vers le 05 mai ! Le lien : https://pv.viewsurf.com/1974/Marais-d-OrxNid-de-Balbuzards?i=NzI3MDp1bmRlZmluZWQ
Bibliographie :
GÉROUDET P., éditions mise à jour par CUISIN M.- LES RAPACES D’EUROPE – éd Delachaux et Niestlé, 2013ÉCOLOGIE-ENVIRONNEMENT : LA GÉNÉRATION QUI OSE PENSER À AUTRE CHOSE…
mercredi 1er mai 2024, par Nicolas Pinczon Du Sel
Interview du 28 avril 2024, de Victor NOËL sur FRANCE-INTER dans l’émission "CO2 mon amour" par Denis CHEISSOUX
Échanges vraiment très intéressants, des explications fortes et lucides par un jeune homme de 18 ans sur la situation de l’environnement dans lequel il vit et plus généralement sur l’état des populations d’oiseaux qu’il côtoie, mais également sur notre société, les politiques en place… A écouter !
Le lien :
Parole de jeune avec Victor Noël, naturaliste de Moselle (radiofrance.fr)
Photographie issue du site www.radiofrance.frOrnithologie : Une nouvelle couleur… le jaune flûté !
lundi 11 mars 2024, par Nicolas Pinczon Du Sel
Le Loriot d’Europe (Oriolus oriolus), seul représentant des Oriolidés dans le Paléarctique occidental, nidifie du Maghreb à l’Altaï… en passant par la vallée de la Garonne
« Dans les couronnes feuillus des chênes, le sifflement du loriot semble exprimer une gaité insouciante : didedio… didlio ! Invisible dans les vertes frondaisons, il traversera peut être d’un vol rapide un espace libre, révélant alors son splendide plumage jaune d’or, contrastant avec le noir des ailes et de la queue… »
Paul GEROUDET, LES PASSEREAUX D’EUROPE - Tome 2, de la Bouscarle aux Bruants – éd Delachaux et Niestlé, 2010, page 237Photographie : N.PINCZON – Oriolus oriolus (avec une Streptopelia decaocto) - Mâle +1A - 83 Les Adrets de l’Estérel – Juillet 2023
La famille des Oriolidés (4 genres – 41 espèces) occupe en reproduction l’Afrique tropicale et l’Eurasie (système Paléarctique-afro-tropical), l’Asie du sud-est c’est à dire la Chine, l’Inde, l’Indonésie, la Nouvelle-Guinée et enfin l’Australie orientale (système Asie du sud - Australasie). Cette famille est absente du système Néarctique-Néotropical c’est à dire du continent américain. Au niveau phylogénétique, les Oriolidés font partie de l’ordre des Passeriformes (les Passereaux), mais sont rangés avec les Laniidés (les Pie-grièches) et les Corvidés (Corbeaux, Corneilles, Choucas, Pies, geais…) dans un sous-groupe, dit infra-ordre, de ces 3 familles de passereaux et nommé les « Corvides ». Les autres familles de Passereaux étant dans les « Passerides ».
En Europe, Oriolus oriolus oriolus (nom scientifique complet genre-espèce-sous espèce), donc le Loriot d’Europe, habite de mai à septembre dans les ripisylves, les peupleraies, les chênaies et parfois les parcs d’ornement et les jardins où il exploite la canopée des grands arbres à feuilles caduques. L’alimentation se compose d‘insectes et de fruits. Il émet des sons flûtés et des grincements miaulés caractéristiques.
Acoustique : D.GUILLERME – Oriolus oriolus (on entend aussi une Fauvette à tête noire Sylvia atricapilla) - Charigny (21-Côte-d’Or) – Mai 2023 - Source : xeno-canto.orgEurasian Golden Oriole (Oriolus oriolus)Un grand voyageur : C’est un migrateur au long cours ! Cette espèce d’origine tropicale va retourner, durant l’hiver de l’hémisphère nord, jusque dans les zones d’où il est originaire (probablement par la voie migratoire dite de l’ « Est »). Il y a 2 reprises d’oiseaux bagués en France dans une zone méditerranéenne, au Botswana et au Congo. On imagine donc, lors de la saison humide, cette zone d’Afrique aux immenses forêts tropicales et subtropicales de l’ouest qui comprend des pays comme le Congo, l’Angola, la Zambie… (C’est également les zones d’hivernage de l’Engoulevent d’Europe-Caprimulgus europaeus et du Coucou gris-Cuculus canorus). Mais en fait le Loriot d’Europe s’observe déjà aussi plus à l’est, dans les vastes savanes arborées du Kenya, de la Tanzanie, du Zimbabwe, du Botswana et de l’Afrique du Sud.
Les cousins du Zimbabwe : D’ailleurs, en novembre-décembre-janvier-février, le Loriot d’Europe côtoie, dans ces habitats forestiers semi-ouverts, et sans apparemment de compétitions interspécifiques, 2 autres espèces de Loriots très proches de lui (du même genre Oriolus), sédentaires, et qui sont alors, eux, en pleine période de reproduction ! Il s’agit de Oriolus auratus, le Loriot doré et de Oriolus larvatus, le Loriot masqué. En Europe, 23% des espèces forestières sont également représentées par des populations nicheuses dans les régions tropicales d’Afrique.
Parmi les oiseaux chanteurs d’Australie, les Oriolidés seraient arrivés d’Australie et de Nouvelle-Guinée il y a environ 7 millions d’années, pour investir le système Paléarctique-Afrotropical. Une fois cette nouvelle famille installée, il est possible qu’à partir d’un ancêtre commun, par spéciation, 3 espèces distinctes du genre Oriolus se soient formées pour exploiter les habitats forestiers tropicaux ou tempérés nouvellement disponibles pour elles. L’une d’entre elles, au moment où l’investissement en besoin énergétique annuel est maximal (la reproduction) va progressivement former un phénotype migrateur strict, inverser la saisonnalité de sa reproduction par rapport aux autres, et commencer une alternance de trajets migratoires entre les zones restées tropicales et les forêts du Paléarctique, à la faveur des épisodes interglaciaires plus chauds ou une fois que ceux-ci étaient terminés (il y a environ 20 000 ans). Ces voyages, entre deux zones biogéographiques très différentes et très éloignées, se réalisent malgré la contrainte des barrières naturelles que sont la zone désertique du Sahara, la mer Méditerranée et les zones de montagnes... Mais, après tout, nos forêts de feuillus européennes sont, elles aussi, 6 mois sur 12, pleines de chenilles juteuses et de baies sucrées…
Et voilà ! Notre Loriot tropical est devenu européen... et l’est toujours !
Photographie : N.PINCZON – Oriolus oriolus - Mâle +1A - 47 Layrac – Mai 2024
Bibliographie :
BAUMANN S. – Observations on the coexistence of Palearctic and African Orioles Oriolus spec. In Zimbabwe – Vogelwelt 122 (2001), S. 67-79
BLONDEL J. – Histoire et Mise en place des Avifaunes forestières de l’hémisphère nord – ALAUDA – Vol 87 (3), 2019
DEHORTER O. & CRBPO (2023). Base de données de baguage et déplacements d’oiseaux de France. Centre de Recherches sur la Biologie des Populations d’Oiseaux, Muséum National d’Histoire Naturelle, Paris, France. https://crbpo.mnhn.fr/ Consulté le 11 mars 2024.
FLANNERY, Tim – Le Supercontinent, une histoire naturelle de l’Europe – éd Flammarion, 2019
GÉROUDET P., éditions mise à jour par CUISIN M.- LES PASSEREAUX D’EUROPE - Tome 2, de la Bouscarle aux Bruants – éd Delachaux et Niestlé, 2010
ISSA N., MULLER Y. – Atlas des oiseaux de France métropolitaine, nidification et présence hivernale – Volume 2 des Ptéroclididés aux Embérizidés - éd Delachaux et Niestlé, 2015
GUILLOT Gérard Le loriot et ses compères : les Oriolidés | Zoom Nature (zoom-nature.fr)A propos de l’auteur
Animé très jeune par l’observation des animaux, je concrétise ma passion en arpentant les forêts, montagnes, rivages et autres marécages, les jumelles au cou, le carnet de notes en main, un guide d’identification toujours ouvert… à 22 ans je passe plus d’une année dans les Terres Australes et Antarctiques Françaises pour étudier les Pétrels, les Prions, les Albatros, les Manchots...
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