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A écouter : les échanges entre Philippe J.DUBOIS et Sigolène VINSON grâce à l’émission de Nicolas HERBEAUX dans « Les Matins du samedi » du 05 avril 2025 sur FRANCE CULTURE
Photographie issue du site www.radiofrance.fr
Bonne émission qui aborde l’importance d’être en lien avec notre environnement à travers l’observation des oiseaux (vivre dans l’instant réel, plaisir d’exister, prendre des « bains d’oiseaux »...), le problème persistant de la dégradation des habitats pour la faune et de la baisse inquiétante de la biodiversité notamment de l’avifaune, puis sur l’amnésie environnementale au fil des générations (les normes ou les références évoluent avec les nouvelles générations), enfin les bons liens sociaux que cette science ornithologique nous permet…
https://www.radiofrance.fr/franceculture/podcasts/france-culture-va-plus-loin-le-samedi/vivre-avec-les-oiseaux-9686299
A lire :
Ornithérapie - Philippe J. Dubois et Élise Rousseaux - Éditions Albin Michel
Le Butor étoilé - Sigolène Vinson - Éditions du Tripode"Homme libre, toujours tu chériras la mer !" Charles Baudelaire
mercredi 26 mars 2025, par Nicolas Pinczon Du Sel
Parfois le besoin d’aller flâner sur la grève en Bretagne... dans le Mor Braz... sur l’île d’Hoëdic... et observer des espèces fantastiques ! Petit pêle-mêle de photographies...
Merci aux photographes lors de ces séjours printaniers sur l’île d’Hoëdic (Morbihan) et aux alentours en 2023, 2024 et 2025 : Sébastien GAUTIER, Cyril SÉNÉCHAL, Pauline PILLET, Nicolas PINCZON...
Uria aalge - Guillemot de Troïl (à gauche) et Alca torda - Petit Pingouin (à droite), en mer. Plumage d’hiver pour les 2 espèces
Halichoerus grypus - Phoque gris, mâle
Gulosus aristotelis - Cormoran huppé, Phalacrocorax carbo - Grand Cormoran et Larus fuscus - Goéland brun
Calidris alba - Bécasseau sanderling
Haematopus ostralegus - Huîtrier-pie
Cap Saint-Pierre de Quiberon
Arenaria interpres - Tournepierre à collier
Numenius phaeopus - Courlis corlieu
Anthus petrosus - Pipit maritime
Anthus pratensis - Pipit farlouse
Hoëdic
Somateria mollissima - Eider à duvet, mâle au loin en mer
Delphinus delphis - Dauphin commun
Branta bernicla - Bernache cravant
Phylloscopus collybita - Pouillot véloce, l’île accueille un gros flux de migrateurs au printemps. Cette halte migratoire est étudiée par l’OFB dans le cadre de protocoles d’étude du Museum-CRBPO
Anarhynchus alexandrinus - Gravelot à collier interrompu
Tadorna tadorna - Tadorne de Belon
Gavia immer - Plongeon imbrin, l’espèce est commune en hivernage maritime dans le Mor Braz, mais cet individu (1A) a été photographié le 23 novembre 2024 dans la carrière de Marcellus (entre Marmande et La Réole - Lot-et-Garonne) dans la vallée de la Garonne moyenne où l’espèce est également assez régulière - Photographie : Alexis BATAILLE (CEN 47)
« Ici tout se superpose : la mer, le ciel, le cercle à plat du soleil, les nuages et l’écume autour des rochers, le sel. Seule l’île déchire. »
Gérard LE GOUIC, Poème de l’île et du sel - Éditions TELEN ARVOR, Quimper, 1977Restons optimistes...
La Noctule commune (Nyctalus noctula) une grande espèce de chauve-souris (Chiroptères) de moins en moins commune en Europe…
L’espèce est impressionnante ! De par ses dimensions (Avant-bras jusqu’à 59 mm, sa masse jusqu’à 45g, son envergure jusqu’à 450 mm), de par la vigueur de son vol (jusqu’à 50 km/h) et l’altitude à laquelle elle peut monter chasser au-dessus du sol (de 30 à 1200m), les migrations qu’elle peut réaliser (de plus de 1000 km), de par ses émissions acoustiques ultrasonores puissantes (d’une portée de 150m à des fréquences comprises entre 17 et 22 khz avec alternance de Quasi-Fréquences Constantes et de Fréquences Modulées aplanies et de bien d’autres cris sociaux), de par sa sociabilité et les nuances écologiques qui peuvent exister entre les mâles et les femelles, de par l’opportunisme dont elle fait preuve pour trouver les nombreux insectes qu’elle consomme en vol, etc…
Acoustique : N.PINCZON – Groupe de Noctule commune Nyctalus noctula au-dessus d’une chênaie – alternance d’enregistrement en stéréo : en Hétérodyne (bulles qui éclatent) à gauche et en Expansion de temps x10 (petites flûtes) à droite - 47 MONTASTRUC – Septembre 2021NYCTALUS NOCTULALa Noctule commune est, à l’origine, une espèce forestière qui s’est adaptée parfois aux milieux urbains. Ses gîtes sont prioritairement dans les gros arbres creux (comme les platanes mais toutes les autres essences sont occupées surtout s’il y a des loges de picidés), cependant elle utilise parfois des bâtiments, des ponts… Ses zones de chasse sont souvent liées à la présence de l’eau, elle survole les forêts, les prairies, les marécages et landes, les villes… Généraliste et opportuniste, elle capture les insectes qui sont les plus nombreux dans l’espace aérien sur une période plus ou moins courte (les émergences). L’ensemble des ordres d’insectes sont représentés dans son régime alimentaires (Coléoptères, Diptères, Lépidoptères…).
La structure des groupes sociaux et leurs fonctionnements ne sont pas très bien connus. Les mâles sont plutôt sédentaires dans la partie sud de l’Europe, tandis que les femelles migrent vers le nord (Allemagne, Pologne, Biélorussie, sud de la Scandinavie, Russie…) pour mettre-bas en été (elles semblent fidèles à leurs régions natales et elles reviennent y élever leur propre progéniture). Les femelles remettent le cap au sud en automne pour retrouver les mâles qui se cantonnent dans leurs gîtes en émettant des « chants » afin de permettre les rencontres et les accouplements. Cependant certaines femelles restent pour mettre-bas et élever leurs juvéniles dans des zones plus méridionales (notamment en France, dans le Centre-Ouest (vallée de la Loire, Limousin, Auvergne et jusque dans les Charentes) et le Nord-Est (Champagne-Ardenne, Grand-Est)). L’ensemble des groupes (mâles et femelles) resteront dans ces mêmes secteurs méridionaux en hiver pour la période de léthargie. Les groupes peuvent localement comporter jusqu’à plusieurs centaines d’individus qui occupent des réseaux de nombreux gîtes où souvent, pour l’un d’entre eux, seulement 10 à 25 individus logent. Il y a distinctement des gîtes de mâles et des gîtes de femelles. La mixité n’a lieu qu’en septembre pendant la période des accouplements. Il y a visiblement un fonctionnement en sous-populations au sein d’une métapopulation. Par météorologie favorable, ces groupes exploitent le milieu aérien nocturne dans un rayon d’une trentaine de kilomètres autour des gîtes.
Photographie : Nicolas PINCZON – Noctule commune Nyctalus noctula au gîte en hiver – Lot-et-Garonne - Agen, 20 janvier 2025
Cette chauve-souris peut donner naissance à des jumeaux (fait plutôt rare puisque l’ensemble des autres espèces de Chiroptères ne mettent au monde qu’un seul juvénile par an). Cependant, l’espérance de vie est courte, estimée à 2,2 ans, avec un record de longévité de 12 ans. La structure démographique de cette espèce est donc plutôt différente des autres espèces de chauves-souris qui, elles, ont tendance à être physiologiquement plus longévives (Par exemple le Grand murin Myotis myotis peut vivre jusqu’à presque 30 ans) et avec des espérances de vie plus longues.
L’impact d’un élément perturbateur dans le paysage peut mettre en danger voire provoquer l’extinction d’une population reproductrice de chauves-souris. Citons actuellement pour la Noctule commune en France une perte de 88% de ses populations entre 2006 et 2019 (Tillon et Vigie-Chiro MNHN, 2023). Pour cette espèce, ce sont essentiellement les champs d’éoliennes qui anéantissent les populations. Par extension de ces traits écologiques connus, la réponse des communautés de Chiroptères à l’éventuelle restauration des habitats est lente ; les processus de recolonisation étant dépendants de la dynamique des populations attenantes, dans un contexte environnemental globalement dégradé (infrastructures humaines, fragmentation des habitats, baisse des populations d’arthropodes, évolution climatique, pollution lumineuse, etc.) induisant une fragilité des populations encore viables.
La Société Française pour l’Étude et la Protection des Mammifères (SFEPM) lance actuellement un Groupe de Travail Noctules afin, pour les 3 espèces présentes en France*, d’identifier les acquis et les lacunes de connaissances - proposer des actions de conservation concrètes, adaptées aux menaces pesant sur ces espèces - fédérer, partager, échanger, avec le réseau national - harmoniser les pratiques, faire émerger des projets nationaux et interagir à l’international. Consulter https://www.sfepm.org/la-coordinati...
Dans le Lot-et-Garonne, la Société pour l’Étude, la Protection et l’Aménagement de la Nature dans le Lot-et-Garonne (SEPANLOG) dans le cadre du Plan Régional d’Action Chiroptères (PRAC Nlle Aquitaine) et sur la ligne "amélioration des connaissances", a permis de trouver récemment un gîte d’hibernation de plus de 240 individus de Noctule commune dans un pont au-dessus de la Garonne à Agen. Ce gîte est également largement utilisé par cette espèce (et d’autres) en été. La méthode de prospection combine des écoutes actives ultrasonores à la tombée de la nuit et des suivis en sortie de gîte potentiel sur plusieurs soirées. Ces lieux restent assez exceptionnels et ne sont pas toujours évident à localiser. Ils sont garants de la survie des populations de l’espèce. Mieux connaître, c’est enfin pouvoir protéger…
* Noctule commune (Nyctalus noctula), Noctule de Leisler (Nyctalus leisleri), Grande Noctule (Nyctalus lasiopterus)Bibliographie :
ARTHUR Laurent, LEMAIRE Michèle – Les Chauves-souris de France, Belgique, Luxembourg et Suisse - Collection Parthénope – Édition Biotopes (3ième) – Publication scientifique du muséum – Paris – 2021
ARTHUR Laurent, LEMAIRE Michèle – Les chauves-souris maîtresses de la nuit – la bibliothèque du naturaliste – Delachaux et niestlé – 2005
BARATAUD Michel (avec la collaboration de TUPINIER Yves) - Ecologie acoustique des chiroptères d’Europe – Identification des espèces, étude de leurs habitats et comportements de chasse – Collection Inventaire & biodiversité – Biotopes Éditions - Publication scientifique du Muséum national d’Histoire Naturelle – 3 ième édition – Paris, 2015
DIETZ Christian, VON HELVERSEN Otto, NILL Dietmar – L’encyclopédie des chauves-souris d’Europe et d’Afrique du Nord – Biologie, caractéristiques, protection – éditions Delachaux et niestlé – 2009
GROUPE CHIROPTERES D’AQUITAINE (GCA) : Groupe Chiroptères Aquitaine | Association de protection, d’étude et de conservation des chauves-souris
PINAUD David - Utilisation spatiale de l’habitat par des espèces forestières en déclin (Noctule commune et Sérotine commune) : exploitation de la technologie GPS - Nature Environnement 17, CEBC-CNRS – Communication lors de la 3ième rencontres chiroptères en Nouvelle-Aquitaine à Limoges les 29 et 30 novembre 2024
TILLON Laurent – Les fantômes de la nuit, des chauves-souris et des hommes – Mondes sauvages – éditions ACTES SUD, 2023
Transition écologique : la marche-arrière des politiques
mercredi 29 janvier 2025, par Nicolas Pinczon Du Sel
France-Culture - « Les Matins » de Guillaume ERNER - le 23 janvier 2025
Avec Jean JOUZEL, Climatologue, ancien vice-président du GIEC et Hélène SOUBELET, directrice de la Fondation pour la Recherche sur la Biodiversité. Longue émission qui comporte beaucoup de sujets très divers, mais les 2 invités restent intéressants à écouter à partir de 1h51min de podcast et pour ce qui concerne "l’écologie".
https://www.radiofrance.fr/franceculture/podcasts/les-matins/ouighours-emprisonnes-en-thailande-budget-2025-transition-ecologique-la-marche-arriere-des-politiques-7059411Oiseau mystérieux, inféodé aux fraiches forêts, la Bécasse des bois (Scolopax rusticola) reste le plus terrestre des limicoles
Dessin : Jonathan POINTER – Bécasse des bois (Scolopax rusticola) - Jonathan Pointer - Artiste sportif et d’histoire naturelle
La Bécasse des bois (Scolopax rusticola) est une des 12 espèces de limicoles qui peuvent se reproduire en ancienne Aquitaine. Sur ce territoire, les limicoles s’y divisent en 5 familles (les Charadriidés, les Scolopacidés, les Burhinidés, les Récurvirostridés, les Haematopidés) et occupent des habitats finalement assez divers : de la forêt profonde au rivage marin, en passant par les landes, les cultures, les marais, les rivières et les fleuves. Tant qu’il y a des sédiments riches en divers organismes tel que les Annélides, les Crustacés, les Mollusques bivalves, les Insectes... ce groupe aviaire peut coloniser bien des territoires avec diverses espèces.
Voir les publications sur d’autres limicoles sur ce même blog :Le Pluvier des graviers (sur le Petit Gravelot) du 27 juin 2024
Deux yeux jaunes dans un champ de cailloux (sur l’Oedicnème criard) du 08 novembre 2021
Le « p’tit limi » des Gaves (sur le Chevalier guignette) du 04 avril 2021
La Bécasse des bois est une forestière. Elle aime les litières humides de feuilles en décomposition… une spécialiste du substrat humifère qui sent bon le mycélium et les tanins ! Elle visite également la sous-strate herbacée des prairies naturelles qui fournit de la matière organique au sol et donc présente là aussi le cortège de la faune diversifiée des décomposeurs… Elle a tendance à s’alimenter en nocturne dans les zones ouvertes (prairies) mais reste dans le couvert (sous-bois) en diurnes ou même lors de la reproduction. Elle est visible alors à la tombée de la nuit lorsqu’elle passe au ras des lisières pour changer d’habitat. Sa silhouette noire, au vol battu, énergique, rectiligne, surgit alors dans le bleu nuit du ciel où les premières étoiles scintillent. Les lombrics semblent être sa ressource alimentaire essentielle du moins en hiver. L’oiseau sonde la terre marron, de son long bec plus ou moins flexible, et surtout muni de papilles tactiles sensibles au toucher, au goût et à l’odorat. Un organe spécialisé pour trouver la petite faune hypogée. Sa vision à 360° est assez étonnante également, elle est binoculaire devant et derrière la tête.
L’activité de parades au printemps est également un moment pour l’observer, en acoustique souvent, car son chant, lors de vols nuptiaux si caractéristique (la croule), est émis au crépuscule et la nuit.
Acoustique : Jarek MATUSIAK – Gmina Płaska, Augustów, POLOGNE – 11 mai 2022 – Scolopax rusticola, chant - Source : xeno-canto.orgEurasian Woodcock (Scolopax rusticola)En Aquitaine, elle se reproduit actuellement dans les hêtraies-sapinière des Pyrénées. En plaine, bien que jamais commune, la situation a changé en 40 ans. Dans le Lot-et-Garonne elle était signalée nicheuse certaine dans l’atlas des Oiseaux Nicheurs d’Aquitaine sur 3 à 4 mailles (20x29 km) sur la période 1974-1984. A cette période, le plateau landais semblait être encore assez favorable à sa présence notamment les zones en ripisylve des vallées de la Leyre et du Ciron où elle était régulière en reproduction. Puis, dans l’atlas des Oiseaux Nicheurs d’Aquitaine de 2015, les données printanières sont éparses (un seul contact en Lot-et-Garonne en 2013) et jamais pour de la nidification certaine. Sur la période 2013 à 2024 seuls 6 cas de reproduction certaine répartis sur les 5 département (64, 40, 47, 33, 24) que formaient l’ex-Aquitaine sont répertoriés sur le portail faune-nouvelle-aquitaine.org. L’espèce ne trouve plus les conditions optimums de nidification (modifications bioclimatiques, quiétude…) pour une population dont la répartition est plus éparse et moins dynamique. La Bécasse des bois, de pars ses affinités boréo-montagnarde fait sans doute partie du cortège des espèces qui se réfugie actuellement sur des zones plus élevées en altitude, tel le Bouvreuil pivoine (Pyrrhula pyrrhula), ce qui sous-entend une baisse démographiques globale.
Comme beaucoup de limicoles, la Bécasse des bois est migratrice. Les populations du nord de l’Eurasie (elle occupe largement la Russie et la Scandinavie) viennent hiverner plus au sud-ouest, principalement dans les zones atlantique et méditerranéenne aux climats doux.
Restons ornithologue ! Il est intéressant de voir cette espèce sous un regard différent de celui, trop habituel, du monde de la chasse. Comme si le mot « gibier » lui collait aux plumes. Il faut savoir cependant que, suite à la baisse radicale des populations de petits gibiers autrefois communs (Lapin de garenne, Perdrix grise et rouge, Caille des blés, Grives…) la Bécasse des bois subit une pression cynégétique énorme ! Elle est hélas très à la mode chez les nostalgiques d’une époque révolue, celle où moins de détenteurs du permis de chasse pouvaient prélever des petites espèces sauvages sans trop de poser de question. Le prélèvement maximal autorisé (PMA) est limité à 30 bécasses par an et par chasseur en Bretagne. Aujourd’hui, les chasseurs de Bécasse montrent une certaine fierté affichée, et il est de bon ton de dire qu’on « va à la Bécasse » en caressant la tête de son Setter anglais… Contrairement aux autres espèces chassées, largement élevées, hybridées et relâchées pour entretenir artificiellement des populations vite tirable, il n’y a pas (encore) d’élevage de Bécasse, du moins pas à grande échelle. Il y a encore quelque chose d’intègre et d’originel sans doute dans la relation de prédation avec ce gibier sauvage. Cependant, il faut savoir que cette mode entraine la destruction d’environ 750 000 à 1 200 000 individus annuellement en France (source : becassierdefrance.com). La tendance serait à la baisse depuis quelques années. Mais est-ce bien raisonnable ? Je le répète : plus ou moins 1 000 000 Bécasses des bois sont tirées chaque hiver en France actuellement ! Si la longévité physiologique connue de l’oiseau est de au moins 14 ans, l’espérance de vie est de 1,25 ans ! Le taux de survie annuel des populations de Russie est de 52%, c’est-à-dire que la chance de survivre dans l’année pour une Bécasse est de à peu près 1 sur 2. L’espèce subit également, actuellement, les dégradations de son habitat (sécheresses chroniques - voir la publication du 05 novembre 2022 sur ce même blog "Il fait trop chaud pour une chênaie", exploitation sylvicole non-raisonnée, morcellement des massifs, dérangements réguliers…) en plus des tirs des « bécassiers » de compétition : quel luxe pour eux de « posséder » tous ces oiseaux ! Cela me fait penser à la surpêche en haute-mer sur les poissons sauvages… jusqu’à quand ? Tant qu’il y en aura ?
Allez la guetter, allez observer son vol vespéral dans la quiétude des froides soirées hivernales au coin du bois… c’est un étrange oiseau, qui résiste tant bien que mal à l’air du temps… et régalez-vous… de cette furtive rencontre !
Photographie : Nicolas PINCZON – Sous-bois forestier, berges de l’Ourbise, site d’hivernage de la Bécasse des bois (Scolopax rusticola) – Décembre 2019, 47-VILLEFRANCHE DE QUEYRAN
Dessin : Jonathan POINTER – Bécasse des bois (Scolopax rusticola) - Jonathan Pointer - Artiste sportif et d’histoire naturelle
Bibliographie :BOUTET J.Y, PETIT P. – ATLAS DES OISEAUX NICHEURS D’AQUITAINE 1974-1984 - Œuvre collective des ornithologues d’Aquitains – Centre Ornithologique Aquitaine Pyrénées, 1987
GÉROUDET P., éditions mise à jour par OLIOSO G.- LIMICOLES, GANGAS, PIGEONS D’EUROPE – éd Delachaux et Niestlé, 2008
GEJL Lars. – Guide d’identification des limicoles d‘Europe – éd Delachaux et Niestlé, 2016
ISSA N., MULLER Y. – Atlas des oiseaux de France métropolitaine, nidification et présence hivernale – Volumes 1 & 2 - éd Delachaux et Niestlé, 2015
DON TAYLOR – Guide des limicoles d’Europe, d’Asie et d’Amérique du Nord – éd Delachaux et Niestlé, 2006
THEILLOUT A. & Collectif faune-aquitaine.org – Atlas des oiseaux nicheurs d’Aquitaine – LPO Aquitaine, Delachaux & Niestlé, 2015
THEILLOUT A., BESNARD A., DELFOUR F., & BARANDE S. - Atlas des oiseaux migrateurs et hivernants d’Aquitaine. Dordogne, Gironde, Landes, Lot-et-Garonne, Pyrénées-Atlantiques. MNHN - LPO, 2020
www.faune-nouvelle-aquitaine.org
Je m’accorde avec mon paysage, je suis en lien avec mon environnement …
donc je suis !Photographie : N.PINCZON - Le fleuve Garonne à 47-Boé-Moirax – Septembre 2022 « J’attends la Sterne pierregarin – Sterna hirundo »
Lorsque j’arpente les espaces où je vis, il y a deux sensations essentielles qui viennent m’envahir doucement :
D’abord c’est le fait de faire partie de ces lieux… d’en être un habitant connu et reconnu… un personnage… de participer à tous les mouvements qui l’animent… d’y exister. Tous mes sens s’exercent à identifier les subtilités et les évolutions de l’endroit. Comme tous les autres qui vivent là, j’échange constamment et je laisse des traces. Il y a surtout une douce familiarité réconfortante. Je rencontre la faune et la flore, je rencontre des habitants humains. Au présent, j’anticipe les choses, je salue, on me salue en réponse et je découvre des nouvelles petites histoires. Je décrypte parfois dans les lieux paisibles les reliques du passé. Je suis dans mon espace-temps, l’intime se mêle au lieu… Je suis en paix. J’aime ces lieux parfois un peu par la force des choses… mais je les vois souffrir souvent. Trop souvent.
Serge VALLON écrit dans son livre L’ESPACE ET LA PHOBIE (c.f biblio) que le paysage familier (en allemand le mot est « heimelich ») nous appartient autant que nous lui appartenons. Il précise que le sujet est accordé à son monde, tout comme son monde est accordé à lui et rajoute « Cet accord se signifie en lui (le sujet) sans qu’il en soit pleinement conscient, comme la source de ce plaisir apaisant et apaisé qu’il trouve précieux dans sa vérité évidente ». Il semble que chacun d’entre nous vérifie constamment la stabilité de tels lieux. Est-ce que tout est agencé comme d’habitude ? Est-ce que tout fonctionne ? Est-ce que tout le monde est là ? L’harmonie continue-t-elle ? Nous avons besoin de ce paysage familier. Les échanges entre notre monde intérieur et ce monde extérieur sont constants. Nous sommes le paysage que nous créons. Mais l’angoisse rôde. Elle peut venir rompre cette évidence, ce familier. « Elle va venir battre en brèche l’unité logique de cet univers ». En ce qui me concerne c’est la coupe rase d’une parcelle boisée, le labour d’une prairie, un vaste espace naturel rempli de panneaux photovoltaïques à touche-touche, le drainage d’une zone humide, une nouvelle route… le monde deviendrait-il « immonde » ? Selon Serge VALLON toujours « Il s’agit simplement de l’infamilier (selon la traduction « unheimelich » freudien…/…). Cet infamilier rassemble l’étrange et le familier : l’étrange familiarité d’un univers à la fois connu, agréable, logique mais qui inclut soudain une dimension ruineuse pour cette logique, pour le plaisir, pour cet ordre. Tel est le paysage phobique » (Vallon, 1996). Nos paysages, radicalement transformés, subissent continuellement l’injonction de la rentabilité, de la technicité performante, de l’ordre absolu, de la maitrise constante, du parfait. Voilà d’étranges douleurs dans nos âmes, elles-mêmes rectifiées. La gracieuse liberté du sauvage n’est plus…
Je conseille d’écouter le podcast sur France-Culture de l’émission « Question du soir : l’idée - Le remembrement une division des terres et des êtres » de Quentin LAFAY du 18 novembre 2024 Le remembrement, une division des terres et des êtres à propos de la bande-dessinée « Champs de bataille, l’histoire enfouie du remembrement » de Inèse LÉRAUD et Pierre VAN HOVE chez BELCOURT CHAMPS DE BATAILLE - ONE SHOT - CHAMPS DE BATAILLE - L’HISTOIRE ENFOUIE DU REMEMBREMENT - Librairie Utopia
J’ai parlé d’un endroit. Il y a aussi un envers...
Car ensuite, paradoxalement, un endroit familier doit aussi me laisser une sensation d’inconnu. Une zone cachée, une profondeur inaccessible où des êtres mystérieux pourraient exister… quelque-chose d’extrêmement présent mais qui se déroule sans moi… quelque chose de libre, d’incontrôlable… dont je n’aurais que quelques indices de présence. Cela doit être tangible. Un habitant étrange se cache par-ci, une vie résiste par-là, un être invente le temps et m’observe de loin… Je suis seul mais ressens ces présences intenses, ces regards méfiants… et j’attends l’invisible… mon imagination est vivante ! Une vaste forêt, la surface de l’eau, les dômes enneigés, les cieux, la nuit… Quel est l’extraordinaire qui vit là ?
Tout me pousse à mieux connaître le peuple discret de la faune sauvage. Non pas pour le déranger mais pour le respecter. Il me laisse des fortes sensations d’existence dès qu’il me fait signe et je souhaite comprendre quelques éléments de son espace, de ses coutumes, de son histoire… Mais parfois, malgré bien des techniques efficaces pour prospecter avec patience ces habitats mystérieux (affût au bon endroit, à la bonne heure, les yeux rivés dans les jumelles, pièges acoustique, pièges photo, indices de présence…) … je dois me rendre à l’évidence qu’il y a des absents. Le dernier des Mohicans n’est plus. Alors le vide est réel. Une tristesse lancinante m’envahit. Il n’y a plus le sel, il n’y a plus le magique, il n’y a plus la joie…
Là encore, paysage en souffrance, espèces discrètes disparues, deuil… la solastalgie est ce qu’elle est.
Un naturaliste existe à la fois dans la rigueur scientifique, l’observation clinique des écosystèmes, mais également dans l’immense poésie que libèrent ces vastes espaces. Une énergie pleine d’espérance. Il y a de l’enfance ou de l’adolescence (l’âge des possibles) encore en lui… quand l’inconnu et l’invisible fascinent.
Je rejoins aussi les pensées de Sylvain TESSON qui écrit dans son livre L’ÉNERGIE VAGABONDE (c.f biblio) :
« Savoir l’existence d’espaces vierges et d’espèces sauvages n’est-il pas aussi vital que le pain ? Se dire secrètement qu’il existe des replis épargnés par les regards humains n’élève-t-il pas le cœur ? Imaginer la subsistance d’un carré inaccessible ne fortifie-t-il pas l’être ? Cette certitude de la présence d’un ailleurs sauvage est comme le carreau de lumière dans la cellule du forçat. Voilà la valeur profonde de la sanctuarisation des espaces, de la mise sous cloche des étendues, de la défense du wilderness : la possibilité d’un rêve. Ainsi va-t-il des amoureux séparés qui, malgré l’éloignement, se sentent apaisés parce qu’ils se savent aimés. Dans Les Racines du ciel, Romain Gary campe un prisonnier qui survit psychiquement à la déportation en rêvant à la charge des éléphants dans une savane. Le recours par la pensée à la puissance des pachydermes insuffle la force à l’esprit. Aldo Léopolde commence son Almanach d’un conté des sables par cette phrase : « Pour nous, minorité, la possibilité de voir des oies est plus importante que la télévision. » Plus loin il plaint cette « dame fort cultivée » disant qu’elle « n’avait jamais entendu les oies qui deux fois par ans, proclament le retour des saisons à sa toiture bien isolée ». Et Darwin, dans sa Théorie de l’évolution, lance que « nul individu à l’esprit impartial ne peut étudier une quelconque créature vivante, si humble soit-elle, sans être enthousiasmé par sa structure et ses caractéristiques admirables ». Trois voix pour signifier la même chose. L’enjeu de la préservation de la Nature ne se réduit pas à l’impératif d’assurer la survie de la race humaine. Il touche au désir profond de sauvegarder la possibilité d’une vie sauvage. » (Tesson, 2020)
Deux paysages en un ! Un familier, un mystérieux… Tous les habitants, tous les « paysans », les artisans du paysage devraient garder cette possibilité : laisser des friches, laisser des boisements, des landes, des mares, des lisières… ne pas aller chasser, couper, labourer, drainer, rectifier, nettoyer… laisser, laisser… laisser du sauvage, laisser du mystère, laisser faire, laisser vivre…
Voir l’article « Il n’est jamais trop tard pour cocher » du 03 février 2020 sur ce même blog
Voir l’article « Biodiversité : où en sommes-nous avec le grand Pan ? Sauver ou civiliser le sauvage ? » du 19 septembre 2018 sur ce même blog
Bibliographie :FLEURY Cynthia, PRÉVOT Anne-Caroline – LE SOUCI DE LA NATURE – Apprendre, inventer, gouverner – CNRS Éditions
TESSON Sylvain – L’ÉNERGIE VAGABONDE - Au fil des jours - Géographie de l’instant - Wilderness. Éditions Robert Laffont, 2020 –p806
VALLON Serge – L’ESPACE ET LA PHOBIE – La peur de la peur – éditions Érès, 1996
Photographie : N.PINCZON – Forêt sous la crête de Grascouéou (1400m) à 65-AULON – Août 2019 « J’attends les Bec-croisé des sapins – Loxia curvirostra »
Photographie : N.PINCZON – Friche au lieu-dit Les Bousquétos à 47-SEMBAS – Janvier 2018 « J’attends le Busard Saint-Martin – Circus cyaneus »A propos de l’auteur
Animé très jeune par l’observation des animaux, je concrétise ma passion en arpentant les forêts, montagnes, rivages et autres marécages, les jumelles au cou, le carnet de notes en main, un guide d’identification toujours ouvert… à 22 ans je passe plus d’une année dans les Terres Australes et Antarctiques Françaises pour étudier les Pétrels, les Prions, les Albatros, les Manchots...
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